Doctolib dans la tourmente

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Le syndicat de médecins généralistes MG France dénonce la plateforme de prise de rendez-vous. Celle-ci demande aux patients de noter leur praticien. Doctolib a un peu chaud, en ce moment.

Doctolib dans la tourmente

Les sites et applications de prise de rendez-vous médicaux commencent à agacer les médecins. Le syndicat MG France a fait part de son étonnement dans un communiqué envoyé à ses adhérents. Il reproche à l’un d’entre eux la sollicitation des patients par un mail expliquant : « Votre praticien souhaiterait connaître votre avis sur votre rendez-vous ».

Plusieurs critères : le temps d’attente, la qualité du contact humain, la clarté des explications, le cadre et la propreté, et un niveau de recommandations – les quatre derniers critères recevant une note de 1 à 5. « Acceptez-vous que vos patients reçoivent cela ? », demande MG France.

La notation des médecins, ça ne passe déjà pas pour beaucoup de praticiens. Mais Doctolib – car c’est la plateforme dont il s’agirait, même si le syndicat ne le précise pas – en rajouterait une couche, signale le syndicat : le mail envoyé aux patients présente le médecin consulté comme expéditeur !

Médecins rabatteurs

Après des mois, voire des années de méfiance vis-à-vis de la position dominante sur le marché que se créait Doctolib dans le paysage médical français, le mécontentement commence à s’exprimer. Car avant cette histoire de notation, la plateforme a subi les foudres de certains médecins, et notamment de l’UFML-S. Le 28 octobre dernier, dans un article du JDD, le Dr Chaumeil, vice-président du syndicat, critiquait le site pour des pratiques qui « s’apparentent à du parasitisme commercial ».

Doctolib rechigne visiblement à déréférencer les profils des médecins qui suppriment leur compte. Il n’est plus possible de prendre rendez-vous chez eux, mais la recherche du nom du médecin sur les moteurs de recherche suffit toujours à ramener du trafic sur le site. Ce qui permet de réorienter les patients vers un autre médecin, et le business reste dans la famille Doctolib. Une pratique que le Dr Chaumeil compare à « de la vente forcée ».

L’UFML-S va plus loin, en reprochant à Doctolib de violer le règlement RGPD de protection des données. Le site utiliserait l’annuaire de l’Ordre des médecins pour faire apparaître des praticiens qui n’ont pas donné leur accord, en entretenant le flou entre l’agenda et l’annuaire de médecins. Doctolib aurait réagi rapidement en promettant de rectifier le tir

Doctolib n’est pas prêteur

Et puis, parce que jamais deux sans trois, cet automne aura déjà vu une troisième affaire. Celle de la prise de rendez-vous à l’AP-HP. Le leader du marché a remporté en 2016 l’appel d’offres pour le portail de services web des hôpitaux franciliens. Seulement, il a gardé tout le gâteau pour lui. L’un de ses concurrents, RDV médicaux, lui reproche d’imposer l’inscription sur Doctolib afin de prendre rendez-vous à l’AP-HP. Idem pour les professionnels, qui doivent impérativement passer par cette plateforme pour mettre le agenda en ligne. Un problème pour les praticiens qui ont une patientèle privée, notamment.
 

« La prise de rendez-vous en ligne avec les médecins de l’AP-HP n’est interconnectée qu'avec le service d'un seul acteur du marché », critique RDV médicaux. L’autorité de la concurrence a été saisie et l’affaire se jouera autour de la légitimité d’une exclusivité de l’accès aux agendas. Une exclusivité apparemment inscrite dans le contrat entre l’AP-HP et Doctolib, comme l’a indiqué le groupement hospitalier.
 
Édité le 16/11/2018.
 
 

 

Droit de réponse de Doctolib

À la suite de notre article (ci-dessus) rapportant le signalement de MG France, Doctolib nous a contacté le 16 novembre en souhaitant apporter des rectifications.

L’entreprise dément le fait qu’il puisse y avoir des avis de patients sur son site : « Doctolib ne juge personne », répond-elle au titre de l’article. Dans un communiqué publié le 14 novembre et auquel elle fait référence dans un courriel envoyé à notre rédaction, elle précise qu’« aucun patient ne peut noter, évaluer ou donner son avis sur un professionnel de santé sur Doctolib. À la demande des professionnels de santé, nous avons simplement développé une fonctionnalité qui permet au praticien qui le souhaite d’envoyer à ses patients un questionnaire concernant les aspects non médicaux de ses rendez-vous ». Une fonctionnalité qui « existe depuis 5 ans ».

Concernant le reste de l’article, Doctolib revient également sur le terme de « place hégémonique ». Terme que nous avions initialement utilisé (remplacé depuis par « position dominante sur le marché ») et qui ne correspondait pas à la réalité selon l’entreprise, qui justifie qu’elle n’équipe « que 15 % des praticiens français ».

Doctolib reproche également à WUD d’avoir relayé le accusations de l’UFML-S de « parasitisme commercial ». L’entreprise invite à lire sa réponse (au paragraphe 6 pour ce sujet) adressée initialement au Dr Bertrand Legrand, qui a lancé la polémique. Elle y explique que « jusqu’au 23 octobre, le trafic était redirigé vers la page “spécialité+ville” correspondante. Suite à votre demande [celle du Dr Bertrand Legrand, ndlr] de mardi dernier, les fiches supprimées conduisent vers la page d’accueil de Doctolib, totalement neutre ».

Sur ce sujet, une dernière remarque : Doctolib se défend d’une quelconque violation des dispositions RGPD. Renvoyant vers des tweets de Jacques Lucas, vice-président de l’Ordre des médecins chargé du numérique, le site entend rappeler que l’annuaire des médecins est public, sauf demande contraire expresse des praticiens qui souhaiteraient ne pas y apparaître.

Enfin, sur le conflit avec RDV Médicaux, Doctolib souhaite rectifier le terme « d’affaire », puisqu’il « ne s’agit que d’un dépôt de plainte de la part d’une société concurrente ».

De manière générale, Doctolib reprochait à WUD de ne pas avoir fait entendre sa voix sur ces sujets. C'est désormais chose faite !

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