Informer les patients, protéger son exercice

Article Article

La bonne communication entre un médecin et son patient est indispensable pour le bon déroulement d’une prise en charge. Confiance rime avec observance, autant dire que le soin à apporter à l’échange médical est primordial.

Informer les patients, protéger son exercice

45 % ! C’est le pourcentage de sinistres analysés et publiés dans la Cartographie des risques au bloc opératoire* pour lesquels un défaut d’information a été retenu… Presque 1 cas sur 2 ! Avec un tel taux, on peut se poser des questions sur la nature des échanges à la consult’.

 

« Madame, nous allons devoir vous enlever l’utérus. Disons que l’on fera ça… demain matin. Ok ?… Ok, l’anesthésiste va donc passer vous voir. À demain ! »

 

On le sait, le médecin a une obligation d’information envers le patient et doit pouvoir justifier de l’avoir apportée. Cette pratique, qui relève pleinement des devoirs d’exercice, est pourtant bien peu enseignée en pratique. À part « n’oublie pas de dire que… » ou « écris bien dans le dossier que tu l’as dit », rares sont les médecins qui ont eu des cours de com, pour apprendre à formuler un message et à s’assurer qu’il soit compris.

 

Du coup, place à la loterie et à l’expérience. Il y aura donc les bien lunés débrouillards qui feront attention… et les distraits ou trop scientifiques qui, plongés dans le bien-fondé de leur prise en charge, en auront oublié la base même du métier: soigner, rassurer, accompagner.

 

Alors, dans les faits, qu’est-ce qui compte : l’info orale ou écrite ? Eh bien, les 2 mon capitaine ! Si la forme orale demeure THE référence en la matière, il n’en demeure pas moins que le fait d’avoir livré cette info au patient et d’avoir obtenu son consentement pour la prise en charge doit être mentionné dans le dossier. La verbalisation de l’info a surtout pour objectif de s’assurer de la bonne compréhension par le patient du diagnostic, de la thérapeutique proposée et des risques d’effets secondaires ainsi que de complications inhérents à sa mise en place.

 

Pour une bonne intégration de tous les éléments par le patient, il ne faut pas hésiter à expliquer, simplifier, réexpliquer… bref : prendre du temps. Niveau de connaissances, éducation, maîtrise du sujet, de la langue même parfois, sont autant d’embûches à savoir surmonter pour bien faire pénétrer le message… Mais c’est aussi ça le métier de médecin !

 

Laisser une information écrite est une bonne initiative mais elle ne se substitue à la discussion et à l’échange. Ce support est complémentaire, très apprécié en cas de litige, il permet au patient de reprendre l’information à distance, au repos, de la digérer et de faire naître ses questions. De fait, en cas de prise en charge lourde, une deuxième consult’ est chaudement recommandée pour faire le point sur les acquis et les incertitudes du patient. Imaginer qu’un patient n’aurait aucune question est naïf. L’explosion du Web l’a rendu éminemment plus connaisseur mais ne suffit jamais à éponger sa soif et son besoin de connaissance. Au contraire même…

 

Alors, pour certains médecins, il faudra sans doute s’adapter. Énoncer une prise en charge comme un théorème et s’exécuter dans sa pratique, même si cette dernière suit les recommandations, ne suffit plus et expose au risque de préjudice en cas de conflit. Il faut apprendre à discuter, ne pas hésiter à utiliser des fiches-types d’infos détaillées sur les patho, et les traitements que proposent souvent les sociétés savantes et les associations de médecins**… sans oublier de faire signer une fiche d’information et un consentement adapté.

 

Et puis dernier conseil pour la route : informer et faire signer, c’est bien ; mais s’assurer d’en conserver la trace pendant 10 ou 20 ans dans le dossier, c’est encore mieux ! Scanner fiches d’information et consentement éclairé signés peut simplifier et sécuriser le stockage, même si seule la signature manuscrite permet d’authentifier une signature, pour les rares contestations. Il ne faut jamais oublier que les litiges arrivent souvent avec des années de décalage. Si les preuves se sont envolées, ne restent alors que le combat de bonne foi…

 

On retiendra donc la devise, « Informer, faire signer et consigner » (consigner, qui signifie « noter par écrit ce qu’on veut retenir ou transmettre »). Voilà de quoi prémunir face à un exercice risqué. À consommer sans modération par tous les praticiens !

 

BREAKING NEWS

Dans 56 % des cas de sinistres en gynécologie*, les documents de consentement et de reconnaissance d’information sont perfectibles. Alors qu’en obstétrique, c’est le cas dans 44 % des cas*. Ces résultats montrentque tout n’est pas question de formation pources deux disciplines issues d’une même filière !

En anesthésie-réanimation, ce pourcentage est de seulement 20 %*, car cette spécialité a fait un travail poussédans l’élaboration des protocoles et desbonnes pratiques, étant l’une des disciplinesles plus sujettes à judiciarisation. Comme quoi,rien n’est imperfectible !

 

 

 

*Cartographie des risques du bloc opératoire – Bilan 2013 réalisé par le Cabinet Branchet en partenariat avec Asspro (Association de prévention du risque opératoire) portant sur l’ensemble des 9 894 dossiers de sinistres déclarés par les assurés entre 2008 et 2012.

**www.assproscientifique.fr (ASSPRO Scientifique est une association partenaire du Cabinet Branchet, en charge de la production de contenu médicolégal).

 

Article proposé avec le soutien du Cabinet Branchet (spécialiste de l'assurance RC professionnelle du plateau technique lourd)

Les gros dossiers

+ De gros dossiers