Jamais sans ma mère

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Ciné week-end: Demain et tous les autres jours,de N. Lvovsky (sortie le 27 septembre 2017)

Jamais sans ma mère

La petite Mathilde aime à la folie sa mère, malgré la folie de sa mère. Noémie Lvovsky décrit avec une pudeur et une tendresse infinie leur relation, montrant ce qu'elle peut avoir de magnifique et d'effroyable. Comme dans les contes de fées...

Il règne sur le dernier film de Noémie Lvovsky une atmosphère surannée, hors de la modernité étouffante de notre temps, en écho peut-être avec le décalage émouvant, parfois franchement inquiétant, de cette mère fantasque puis délirante dont elle s'est attribué le rôle. Dans un Paris populaire qui n'existe plus vraiment, au sein d'un appartement dont on sentirait presque la naphtaline, une jeune écolière doit faire face à la schizophrénie de sa mère, qui tente de l'élever seule. "Je ne suis pas une bonne mère", confiera-t-elle d'ailleurs de façon émouvante à la psychologue scolaire décontenancée. 

Lvovsky refuse obstinément de juger cette mère si peu coupable au final, puisque tentant faire face à des obligations qu'elle ne peut remplir seule. Le père de Mathilde est aimant et compréhensif, mais cela fait longtemps qu'il s'est éloigné de la folie de sa femme, et de tous les soucis qui vont avec. Mathilde, elle, tente de gérer cette vie où tout est instable, sauf le lien maternel. Luce Rodriguez apporte beaucoup de profondeur à cette petite fille que l'on sent en perpétuel danger mais protégée par la force de son imaginaire poétique, trait d'union, à la fois ténu et indesructible, entre elles deux. Cette chouette qui se met à parler, ou plutôt dont Mathilde hallucine les paroles, celles d'un guide qui lui manque et qu'elle s'invente pour être moins confrontée à sa solitude d'enfant parentalisée, résume bien l'idée que l'enfance est, ou devrait être, une folie positive dont toute la difficulté sera d'y renoncer sans en sortir tout à fait.

Le film semble cependant habité d'une douleur, se terminant sur une césure dont la rupture de ton est trop évidente pour masquer l'imprévu auquel Lvovsky a dû faire face. En choisissant comme dernière scène de Luce Rodriguez celle où elle ne peut arriver à temps pour "sauver" sa mère de l'hôpital psychiatrique, puis en parachevant l'histoire par une scène dont on ne sait si elle est réelle ou fantasmée - qui de nos jours peut passer plus de dix ans en hôpital psy?... - on ne sait quel message a voulu transmettre la réalisatrice, qui nous abandonne dans une perplexité mêlant optimisme naïf et douleur mélancolique.

Source:

Guillaume de la Chapelle

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