La mort est dans le pré

Article Article

Ciné week-end : Petit Paysan, de H. Charuel (sortie le 30 août 2017)

La mort est dans le pré

Pierre, comme tant de paysans, a repris la ferme de ses parents. Il élève ses vaches laitières avec rigueur et passion. L'arrivée d'une épidémie de fièvre hémorragique l'envahit d'un doute obsédant : et si ses vaches étaient touchées ? Confronté à la certitude de leur contamination, il ne peut se résoudre à ce qu'elles soient abattues et s'enferme dans un engrenage de mensonges et de dissimulation... Une étude psychologique au cordeau offrant un regard alternatif sur la ruralité.

Petit Paysan débute par une séquence onirique qui pourrait tout aussi bien être un cauchemar et qui annonce ce qui persistera tout au long de ce premier film incisif et évitant les pièges de l'outrance : l'enfermement mental de son héros. Car au fond le réalisateur semble n'avoir qu'une idée, qu'un seul objectif, et le fait qu'il n'en dévie pas ne rend son portrait que plus passionnant : comment réagit quelqu'un de fragile quand ses plus grandes angoisses deviennent réalité ? 

De fait, pendant 90 minutes, la caméra ne lâche pas d'une semelle de botte Pierre, superbement interprété par un Swann Arlaud enfiévré par son rôle. Alternant entre scènes, souvent drôles ou tendres, du quotidien rural et des moments - superbement filmés - de solitude extrême volontiers nocturnes et parfois à la lisière du fantastique, Hubert Charuel nous montre petit à petit comment l'isolement et l'investissement acharné de Pierre le conduisent à une forme de délire. Mais aussi pourquoi les paysans, soumis à la fois à des contraintes administratives censées tout régir aveuglément, et à la puissance imprévisible de la nature, sont particulièrement exposés à certaines formes de décompensation dépressive et/ou paranoïaque.

Quand Pierre explique à sa soeur pourquoi il veut à tout prix sauver ses vaches, il lui montre à quel point l'enjeu économique lui est accessoire. Et Charuel de nous suggérer que réduire la détresse paysanne à une souffrance financière empêche de prendre en compte d'autres facteurs tout aussi essentiels, et probablement tout autant pourvoyeurs de suicide.

Le film se conclut sur une expectative montrant toute la force, autant que la faiblesse, du lien de Pierre à l'animal, qui l'a bien plus construit que tout rapport humain. 

Source:

Guillaume de la Chapelle

Les gros dossiers

+ De gros dossiers