Le blues des chirurgiens hospitaliers

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Un syndicat au chevet de la profession

Le blues des chirurgiens hospitaliers

L’intersyndicale Avenir Hospitalier a demandé aux chirurgiens du secteur public comment ils allaient. Résultat de son enquête : les professionnels du bistouri aiment l’hôpital, mais ils sont en manque de reconnaissance.

 

« Les chirurgiens de l’hôpital public sont passionnés par leur métier, ils sont très investis, mais ils commencent à laisser pointer une forme de désillusion ». C’est ainsi que le Dr Max-André Doppia, président de l’intersyndicale Avenir Hospitalier, résume les résultats de l’enquête que son organisation a menée du 15 avril au 5 mai derniers auprès de 407 chirurgiens hospitaliers. Les résultats de ce travail (voir ci-dessous) ont été présentés lors d’un colloque à Paris la semaine dernière.

Les chirurgiens sont à fond

Premier constat : les chirurgiens interrogés aiment l’hôpital et ils le disent. Ils sont 62 % à considérer que celui-ci leur permet de recevoir la reconnaissance de leurs patients, 42 % à trouver qu’il est plus agréable que la clinique, et 65 % à dire souhaiter y travailler par conviction.

Deuxième constat : ces professionnels s’investissent fortement dans leur job. Seulement 17 % d’entre eux disent effectuer moins de 48 heures de travail hebdomadaires, et 16 % déclarent respecter le repos de sécurité. Oui mais voilà, pour Pascale Le Pors, obstétricienne et vice-présidente d’Avenir Hospitalier, les chirurgiens trouvent que cet engagement n’est pas reconnu à sa juste valeur.

« On nous fait faire n’importe quoi »

« L’enquête montre clairement un grand amour du métier », constate-t-elle. « Mais au nom de ce grand amour, on nous fait faire n’importe quoi ». Gros points noirs : les horaires… et la rémunération. « C’est trop facile de caricaturer les chirurgiens comme des nantis », s’insurge Pascale Le Pors. « Il faut faire une règle de trois avec le nombre d’heures travaillées. »

C’est alors la question de l’équilibre entre vie professionnelle et personnelle qui se pose. « Le super-héros chirurgien n’existe plus, on n’est plus prêt à supporter le fait de ne pas voir grandir ses enfants », explique Max-André Doppia. Un constat qui constitue aussi un problème pour l’administration. « Les jeunes ne travailleront pas comme ont pu le faire les générations antérieures », avertit le président d’Avenir Hospitalier. Il faut qu’on réfléchisse ensemble, sinon comment est-ce qu’on va faire ? »

Exode

Car les résultats de cette enquête font écho à une actualité récente. Au mois de mars dernier, le rapport Hannoun a en effet mis en lumière l’exode des chirurgiens de l’AP-HP vers le secteur privé. « C’est un phénomène que l’on retrouve aussi en province, quoique de manière moins massive », remarque Max-André Doppia.

Alors, se dirige-t-on vers un système dual, où le privé assurerait la chirurgie programmée, même de pointe, laissant au public les urgences ? Peut-être pas, car il reste la relation privilégiée avec le patient.

Tant qu’il y aura des patients…

« En chirurgie, quand on voit quelqu’un en consultation, on l’opère et on assure les suites », note Pascale Le Pors. « Beaucoup de chirurgiens gardent ce choix de métier pour ça : plus les choses ont été lourdes en péri-opératoire, plus c’est sympa de voir le patient en forme en post-opératoire ».

La reconnaissance du patient reste donc essentielle. Mais la syndicaliste le remarque : « L’institution est souvent moins reconnaissante que les patients ».

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Résultats de l’enquête (source : Avenir Hospitalier)


Temps de travail hebdomadaire

-       68 % effectuent plus de 48 heures ;
-       17 % moins de 48 heures ;
-       15 % ne savent pas ou ne veulent pas savoir.

Repos de sécurité

-       16 % le respectent ;
-       10 % le revendiquent ;
-       46 % considèrent que c’est incompatible avec leur exercice ;
-       23 % pensent que ça devrait être optionnel.

« Travailler à l’hôpital me convient car je souhaite travailler pour le service public, par conviction personnelle »

-        65 % adhèrent ;
-        11 % n’adhèrent pas ;
-        23 % sont neutres.

« Travailler à l’hôpital me convient car l’organisation du bloc opératoire dans lequel je suis me satisfait »

-        58 % ne sont pas d’accord,
-        26 % sont d’accord,
-        15% sont neutres.

« Travailler à l’hôpital me convient car ma qualité de vie personnelle et familiale est correcte »

-        38 % sont d’accord ;
-        40 % ne sont pas d’accord ;
-        23 % sont neutres.

Source:

Adrien Renaud

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