Not Funny Attal

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Ils sont partout, de Y. Attal (sortie le 1er juin 2016)

Not Funny Attal

Yvan sur le divan : à la sortie d'une représentation théâtrale, l'acteur Yvan Attal se voit offrir un verre par un admirateur qui lui balance au passage quelques vannes sur les juifs aussi lourdes que sa démarche. Pour lui, ce n'est qu'une preuve de plus concernant un antisémitisme rampant, d'autant plus dangereux qu'il est banalisé. Il se confie alors à un psy...

Etre juif à une époque rattrapée par les hoquets nauséabonds de l'Histoire, être ramené, voire réduit, à sa judéité quand on est tant d'autres choses, être condamné à la paranoïa quand celle-ci redevient une réelle stratégie adaptative... voici ce qu'Yvan Attal semble vouloir nous transmettre, une réflexion souvent brillante et toujours émouvante à partir d'une blessure intime hantée de drames collectifs. Comme rempart à l'antisémitisme, il entrecoupe son propos de fables sensées en démonter les poncifs et les stéréotypes.

Si l'intention est louable, le résultat cinématographique est hélas proche du désastre. D'abord, et surtout, parce que le film n'est pas du tout drôle. Peut-être était-ce l'intention d'Attal : nous faire rire tellement jaune qu'on en sortirait mal à l'aise. Or, si malaise il y a, c'est bien celui de constater une dénonciation si sage qu'elle finit par devenir ennuyeuse. Attal semble avoir été pétrifié dans sa volonté pédagogique, ce qui fait que les comiques de haut niveau qu'il est parvenu à réunir ne savent jamais quelle émotion véhiculer, comme s'ils craignaient d'être contaminés par l'antisémitisme de leur personnage, voire identifiés à celui-ci. Les rares moments de bravoure, souvent dissonnants, tombent hélas à plat et rajoutent à la gêne, comme lorsque dans une réunion quelqu'un s'excuse d'avoir ri trop fort ou mal à propos.

Ensuite, on eut aimé que les séances chez le psy gagnent en profondeur ou au contraire participent à la veine comique qu'Attal n'a par ailleurs pas réussi à trouver. Pour cela, il eût fallu choisir une figure autre que celle, silencieuse, du psychanalyste, d'autant plus que Tobie Nathan est empêtré dans une sidération marmoréenne anti-cinégénique...Sans aller jusqu'à Billy Cristal dans Mafia Blues, au moins un psy avec qui un réel échange aurait été possible, et aurait pu éviter à Attal de flirter avec l'égotisme, et surtout de nous perdre en chemin. 

Source:

Guillaume de la Chapelle

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