Pas (d'attaque) de panique !

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`A Nancy, la simulation vole au secours des futurs internes de psychiatrie grâce à une Tut’Rentrée, une préparation à leur premier stage. Au cours de ces deux journées, les étudiants sont confrontés aux situations les plus fréquemment rencontrées, psychiatriques et somatiques. Au programme : gestion de patients simulés et gestes sur mannequins. 

Pas (d'attaque) de panique !

Première garde, le DECT de l’interne de psychiatrie sonne : c’est l’urgentiste qui demande un avis psy pour un patient suicidaire. Sueurs froides, boule dans le ventre, il va falloir gérer. Voilà le scénario d’un des deux ateliers proposés par l’équipe pédagogique de psychiatrie de la Faculté de Nancy. « Il existe depuis 2002 une Tut’Rentrée pour les P1, avec des cours de méthodologie et des conseils pour les préparer au concours », explique Caroline Pham-Dinh Loux, ancienne présidente du tutorat de la Fac de médecine. « Quand je me suis retrouvée présidente de l’association des internes de psy de Nancy, j’ai eu envie de faire la même chose pour les nouveaux internes. Je voulais quelque chose de pratique, pas des cours théoriques ». La jeune chef de clinique, tombée dans le chaudron de la simulation dès son plus jeune âge, a donc mis en place, avec l’aide de ses directeurs de thèse, Vincent Laprévote et Fabienne Ligier, deux journées d’accueil juste avant le début du premier stage d’internat. 

Les participants passent à tour de rôle sur des ateliers de gestes d’urgence utilisant des mannequins, et sur deux ateliers de patients simulés. Le premier met en scène un homme dont il faut évaluer le risque suicidaire, le second une patiente atteinte de schizophrénie, jouée par Caroline. « Le but est de rassurer les futurs internes, qui n’ont en général jamais mené d’entretien psychiatrique. On considère souvent que les compétences communicationnelles s’apprennent sur le tas, mais je pense que si ça s’apprend, ça doit pouvoir s’enseigner, et c’est le rôle de la Fac de médecine. » 

Dans les points soulignés lors des débriefings individuels, un certain nombre relèvent de la sécurité de l’interne. « S’il s’approche trop de la patiente souffrant de schizophrénie, que j’interprète, elle peut s’énerver. Et dans le box du patient à risque suicidaire traîne un scalpel, avec lequel il peut se mettre à "jouer". Le but est d’apprendre à l’interne qu’il faut parfois mettre fin à un entretien en cas de danger pour lui-même ou pour le patient. » 

Proposée pour la quatrième année de suite, cette préparation facultative est plébiscitée puisque quasiment tous les internes y participent. 

 
« Pour l'instant nous fonctionnons sur le principe du bénévolat »

« L’un des avantages de la Tut’Rentrée, c’est qu’elle crée un esprit de promo, qui vient je pense de l’aspect pratique des compétences acquises, et du débriefing commun final. » Un autre point crucial pour Caroline, c’est de familiariser les internes avec la simulation dès le début de leur cursus. « Ils viennent ensuite plus facilement dans les jeux de rôle ». 

Le Pr Marc Braun, doyen de la Faculté de Nancy, est très investi dans la simulation, et souhaite développer l’utilisation de cette dernière dans la formation en psychiatrie dès le deuxième cycle. « Pour les internes, il existe déjà un séminaire d’expertise psychiatrique en garde-à-vue intégrant des patients simulés ; un autre de thérapie cognitivo-comportementale est en projet ». 

Et comme les compétences communicationnelles ne concernent pas seulement les psychiatres, les D2-D3-D4 ont accès depuis trois ans à un cursus optionnel de « psychologie médicale », avec des scénarios d’annonce de maladie grave ou chronique, de refus de soins, de prescription de pilule du lendemain à une adolescente, ou encore de consultation avec des parents anti-vaccins, intégrant également des jeux de rôle. Pour la jeune psychiatre, l’enjeu est de pouvoir proposer ces formations à plus de monde, voire de les rendre obligatoires. « Ce qui pose problème c’est un manque de temps et d’argent, notamment pour rémunérer les patients simulés. Pour l’instant nous fonctionnons sur le principe du bénévolat, grâce à la bonne volonté de l’hôpital qui accepte de nous dégager du temps, et nous jouons nous-mêmes les patients. Le point positif de cette situation, c’est qu’incarner une patiente schizophrène m’a permis de réaliser ce que peut ressentir le patient face aux réactions du médecin ! » 

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Une thèse sur l’évaluation des techniques d'entretien psychiatrique simulé 

Caroline Pham-Dinh Loux a étudié, dans le cadre de sa thèse de médecine, l’intérêt d’un score évaluant la capacité à obtenir un maximum d’informations d’un patient en un minimum de questions, au cours d’entretiens psychiatriques d’urgence de 10 minutes avec un patient simulé. « La simulation a tout son intérêt dans l’apprentissage d’une investigation efficace », souligne Caroline. « Lors d'un entretien psychiatrique d’urgence, la décision de l'orientation thérapeutique au bon moment est primordiale : précipiter l’évaluation, sans avoir recueilli certains critères, risque de mener à une décision qui peut être délétère pour le patient. À l’inverse, prolonger inutilement l’investigation peut aggraver la situation clinique ou faire échouer la démarche de soins. » 

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