Pourquoi la réforme pourrait échouer

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Le gouvernement a oublié quelqu’un

Pourquoi la réforme pourrait échouer

Les premières réactions médiatiques au plan de transformation du système de santé sont, dans l’ensemble, très positives. Oui, mais…

Les annonces d’Emmanuel Macron et d’Agnès Buzyn de ce mardi sur le plan "Ma santé 2022" ont reçu un accueil globalement très positif. Les réactions oscillent entre le franc soutien, et une approche pondérée par quelques demandes supplémentaires, ou par l’attente des mesures concrètes. Peu de voix s’élèvent pour critiquer celles déjà prévues. Il est cependant encore difficile de parler de consensus, pour plusieurs raisons.

Syndicats et professionnels en accord ?

Pour préparer sa réforme, le gouvernement a montré qu’il avait entendu les problèmes. Il a fait quelques concessions pour les libéraux en préambule et a commandé une série de rapports, avant de présenter un plan global qui comprend quelques annonces concrètes (suppression du numerus clausus, postes d’assistants médicaux, statut unique de PH), et des promesses de principe. Il s’est ainsi attiré les faveurs des syndicats de médecins.

Mais une fois dans le concret – lois, négociations conventionnelles–, les intentions se traduiront-elles par des décisions qui les satisferont ? Et qu’en est-il de la base de leurs adhérents, ou des praticiens dans leur ensemble ? Les libéraux isolés seront-ils prêts à suivre leurs syndicats et à adhérer à la nouvelle organisation proposée ? Autant de questions qui laissent en suspens la perspective de réussite de la réforme, construite autour de l’engagement des libéraux.

De l’intention à la réalisation

Les hospitaliers aussi sont déjà sur leurs gardes. Ils saluent d’un côté leur retour annoncé dans la gouvernance hospitalière, la modification du statut de PH et le décloisonnement avec la médecine de ville. Mais ne seront-il pas déçus par un plan qui sera nécessairement difficile à mettre en place sans financement massif en faveur de l’hôpital et de sa réorganisation ? Au moment de la sortie mardi 25 septembre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), il y aura à coup sûr des déceptions, surtout qu’aucun engagement salarial n’a été annoncé pour les praticiens hospitaliers, en dehors de la valorisation des postes à responsabilité managériale.

Libéraux en grève et hospitaliers dans la rue, l’image semble lointaine trois jours après l’annonce. Mais What’s up Doc prend le pari que la mise en application du plan sera plus contestée que son annonce.

CC les infirmiers

Patients, médecins et carabins séduits, c’est bien. Mais une corporation semble avoir été totalement oubliée dans l’histoire : les infirmiers. Ils sont pourtant plus de 660 000, d’après les chiffres de la Direction générale de la santé (DGS), soit trois fois plus nombreux que les médecins… mais rien n’a été annoncé en particulier pour eux. Ils n’ont d’ailleurs pas manqué de le faire remarquer.

La Coordination nationale infirmière (CNI) a critiqué une « réforme médico-centrée » qui n’utilise pas la force de frappe et la répartition géographique uniforme du corps infirmier. « C’est un maillon essentiel qui est grossièrement oublié dans la réforme », critique de son côté la Fédération nationale des infirmiers (FNI) dans un communiqué. La création du métier d’assistant médical fait aussi bondir l’Ordre national des infirmiers, qui conteste « la création de ce nouveau métier [qui] semble parfaitement contradictoire avec une vision collective, coordonnée et graduée de la prise en charge des patients ». La profession redoute la mise sous tutelle des médecins, chefs d’orchestre de la nouvelle organisation territoriale, et la minoration de leurs compétences pour ceux qui se dirigeront vers l’assistanat médical. Ils redoutent de devoir choisir entre une profession sacrifiée et une réorientation qui ferait d’eux les « petites mains » des médecins.

La révolte pourrait donc venir des infirmiers. Il faudra s’atteler à les séduire eux-aussi pour assurer la réussite du projet. « Les mesures pour les infirmières, parce que c’est un métier indispensable, viendront », a assuré Édouard Philippe, interpellé sur France Inter à ce sujet.

Source:

Jonathan Herchkovitch

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