Réorientation des urgences : oui, mais non

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Les syndicats libéraux et hospitaliers s’étonnent de l’amendement du député Olivier Véran, qui propose de rémunérer les hôpitaux pour ne pas prendre en charge les urgences pas si urgentes.

Réorientation des urgences : oui, mais non

Un forfait de réorientation versé aux hôpitaux pour réorienter la bobologie et les rhumes vers la médecine de ville. Voilà une solution pour désengorger les urgences, proposée par le rapporteur du Projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2019, Olivier Véran. Les patients se présentant aux urgences à mauvais escient, pour rester dans le parcours de soins, devraient alors accepter la réorientation ou payer en plus. Les hôpitaux, pour les mettre à la porte, seraient rémunérés jusqu’à 60 euros.

Comment ? Qu’est-ce que j’apprends ? On donnerait tout ça aux hôpitaux, et rien aux libéraux ? La Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) est estomaquée par cette « bien curieuse idée, digne du pays d’Ubu ». Elle pointe également du doigt un financement détaché du soin et un problème de responsabilité pour l’infirmière ou le médecin urgentiste qui aura a prendre la décision.

Elle propose de créer un forfait de prise en charge d’une urgence de ville, sous réserve d’une organisation libérale adéquate. « Bien des structures regroupées, MSP, cabinet de groupe, centre médical, etc., seraient ainsi incités à s’organiser pour accueillir des « urgences de ville » dans des conditions adéquates », explique la CSMF, avant d’appeler les parlementaires « à du bon sens ».

On est là, dit la FHP

La Fédération de l’hospitalisation privée (FHP) tire aussi la couverture à elle. Dans un communiqué publié le 18 octobre, elle rappelle bien entendu qu’il y a un autre moyen pour désengorger les urgences : « mieux s’appuyer sur les urgences privées », of course ! « Les hôpitaux et cliniques privés disposent de 124 services d’urgences partout en France, accueillant sans dépassements d’honoraires 2,6 millions de patients chaque année. Nous pourrions en accueillir le double », rappelle Lamine Gharbi, dévoué président de la FHP.

Avant d’arriver à cette conclusion, son constat est identique à celui de la CSMF : la (non) prise en charge est une « négation de l’engagement médical » et va « à l’encontre des valeurs de la profession ». La responsabilité l’inquiète aussi. Et en plus, les territoires ne sont pas suffisamment organisés ! Alors qu’il suffirait de proposer « des centres de premier recours, avec biologie et imagerie médicale, pour une offre de soins complète de proximité », souligne-t-il. Des centres privés, imagine-t-on.

Nous aussi, dit MG France

MG France, moins polémique que ses confrères, en profite tout de même pour souligner que la régulation médicale est une activité que pratiquent régulièrement les généralistes, et que eux, ne sont pas payés pour ça. C’est dit. Mais sur l’organisation des urgences, le syndicat de med gé propose que la régulation soit gérée en amont par un numéro d’appel dédié, le 116 117, distinct du 15. Sur le territoire de soins, une astreinte valorisée en conséquence pourrait être organisée dans les cabinets libéraux.

La Fédération hospitalière de France (FHF) n’est pas contre – étonnamment ! –, mais pense qu’il est « illusoire » de penser que cela résoudra l’engorgement des urgences, car « la réponse de la médecine de ville est insuffisante ».

Mais que fait la ministre dans tout ça ? Elle ne se mouille pas. Interrogée le 21 octobre au Grand jury RTL/Le Figaro/LCI, elle n’a pas confirmé que l’amendement serait retenu. En revanche, elle s’est déclarée « favorable à une expérimentation, parce que cela existe ailleurs ». Elle a par ailleurs rappelé que la régulation entre les urgences vitales et la bobologie existait déjà au sein des services d’urgences. Elle a néanmoins précisé : « il va falloir bien cadrer ».

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