Résidus de médicaments dans l'eau : mieux vaut prévenir que guérir !

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Quels sont les risques sanitaires liés à la présence des résidus de médicaments dans l’eau destinée à la consommation humaine ? Le point avec Emilie Bailly, docteure en santé publique environnementale qui a présenté ce sujet lors du colloque « Les pollutions de la santé » organisé la semaine dernière par le Groupe Pasteur Mutualité.

Résidus de médicaments dans l'eau : mieux vaut prévenir que guérir !

What’s up Doc. Quelles sont les principales molécules issues de médicaments que l’on retrouve dans l’eau ?

Emilie Bailly. En France, une trentaine de molécules ont été détectées dans les eaux brutes, servant à la production d’eau destinée à la consommation humaine. Les plus fréquemment quantifiées sont l’oxazépam, le paracétamol, carbamazépine et l’epoxy-carbamazépine (son principal métabolite). Les concentrations maximales varient entre 2 et 400 nanogrammes par litre. Dans les eaux traitées en sortie de station de potabilisation, on a quantifié plus ou moins les mêmes molécules, mais à des concentrations inférieures. Et dans les eaux de surface ou dans les eaux souterraines de métropole, les concentrations maximales peuvent atteindre 1 microgramme par litre.

WUD. Quelle est l’origine de ces résidus ?

EB. La source principale est la consommation de médicaments : ceux-ci sont excrétés dans les urines et les selles soit sous forme inchangée, soit sous forme de métabolites. Ils rejoignent le système de collecte des eaux usées puis les stations d’épuration avant d’être en partie rejetés dans les eaux de surface. Il ne faut pas non plus oublier la consommation vétérinaire : les excréments d’animaux ou l’épandage peuvent directement contaminer les sols. Enfin, la dispersion de médicaments non utilisés ou périmés directement via les toilettes et les éviers ou au travers des déchets ménagers est une autre source de contamination potentielle.

WUD. La présence de ces molécules constitue-t-elle un risque pour la santé ?

EB. L’évaluation des risques sanitaires réalisée par l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, ndlr) sur six molécules en se basant sur les concentrations maximales mesurées en France dans les eaux potables concluent à un risque négligeable au vue des données toxicologiques actuellement disponibles (voir iciiciici, et ici). Il faut tout de même pointer certaines limites comme le manque de données d’exposition et de toxicité chronique. D’autre part, l’évaluation a été faite molécule par molécule. Or, les résidus médicamenteux peuvent interagir entre eux ou avec d’autres molécules présentes dans l’eau : la question des effets cocktails reste entière.

WUD. Pensez-vous qu’il s’agit d’un problème à surveiller ?

EB. Il est utopique de vouloir étudier tous les résidus médicamenteux présents dans l’eau : plus de 3000 principes actifs à usage humain, et plus de 300 à usage vétérinaire sont commercialisés en France. Il est cependant nécessaire de poursuivre les travaux sur le sujet. Il faudrait notamment réaliser une surveillance plus régulière afin de pouvoir suivre l’évolution des concentrations. Pour prévenir le risque, le plus important reste de réduire les émissions à la source.

WUD. On ne peut tout de même pas interdire aux gens qui ont pris un paracétamol d’aller aux toilettes…

EB. Bien sûr. On sait qu’il y aura toujours des émissions. Mais on peut diminuer la consommation de médicaments, inciter la population à rapporter les médicaments non utilisés en pharmacie, mieux informer les professionnels de santé… Des actions restent possibles !

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