Sapeur et sans reproche

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Critique du film Sauver ou périr, de Frédéric Tellier (sortie le 28 novembre 2018).

Sapeur et sans reproche

Franck, jeune sapeur pompier, rêve d’entrer dans la brigade d’élite d’intervention. A force d’acharnement, il y parvient. Mais lors de sa première mission, il est gravement brûlé, notamment au visage...Le récit étouffant d’une reconstruction lente, d’une intensité dépressive étonnante à défaut d’être totalement convaincante.

Après la passionnante « affaire SK1 » et sa plongée dans les coulisses du Quai des Orfèvres, Frédéric Tellier plante sa caméra auprès d’un autre corps de métier, celui des pompiers de Paris. Les premiers plans sont intrigants tant ils sont empreints de rituels désaffectivés voire morbides, tels ce rappel incessant des soldats « morts au feu ». Un acharnement méthodique, empli de froide passion à vivre pour servir l’autre, conduira le jeune Franck à l’accomplissement de son rêve. Qui sera suivi aussitôt après d’un long cauchemar dont rien ne nous sera épargné, ou presque - nous y reviendrons.

 

Dès lors le film plonge dans un univers médical décrit avec une application et une humanité qui n’est pas sans rappeler le bel hommage littéraire puis cinématographique au don d’organes, « Réparer les vivants ». Sauf qu’ici, point de lumière, peu de douceur. Nous sommes dans le cœur de la dépression de Franck, nous souffrons avec lui, nous étouffons en nous demandant, parfois, quel est le sens de ce qui nous est infligé. Probablement parce que le récit est beaucoup trop linéaire, beaucoup trop appliqué, pour que nous y voyons autre chose qu’un vibrant hommage à l’abnégation et au devoir. Le choix de Pierre Niney, qui gaspille de plus en plus son talent, toujours aussi évident, dans des personnages héroïques suffisamment torturés pour que leur perfection morale en soit confirmée, est édifiant: Sauver ou Périr souffre d’une lisse noirceur. Le mystère qu’augurait le début du film est exclu dès que Franck entame son chemin de croix. Ses brèves rémanences, au moyen d’un procédé un peu grossier - le brevet du masque spectral a été définitivement déposé par Milos Forman - nous font rester dans la tête du héros plus que dans son corps meurtri. Car si l’on voit abondamment son visage, son rapport à son corps est totalement esquivé. Là résidait probablement la possibilité de conduire le film ailleurs que sur ces voies déjà fort trop empruntées.

La dernière partie, qui se veut lumineuse, est là encore bien évidente, et bien brève.Franck renaît déjà à la vie que le spectateur reste assommé, englué dans tout ce qu’il vient de vivre, à un degré infiniment moindre, avec lui. Et il semble s’en sortir plus vite que lui ! Si ce n’est pas ça, l’héroïsme du devoir...

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