Qui va donner au patient la dose létale ? Et s’il vomit ? Les légitimes questions des soignants hospitaliers face à l’aide à mourir

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La possibilité d'assistance au suicide ouverte par le projet de loi sur la fin de vie soulève plusieurs défis de mise en œuvre concrète, en raison notamment des réticences d'une partie des soignants, ont averti hier les fédérations hospitalières.

Qui va donner au patient la dose létale ? Et s’il vomit ? Les légitimes questions des soignants hospitaliers face à l’aide à mourir

© Midjourney x What's up Doc

Quelle attitude adopter en cas d'incapacité du patient à prendre la dose létale ? Comment appliquer la loi si tout un service est opposé à son implication directe dans la procédure ? Les fédérations (hôpitaux publics, privés, établissements d'aide à la personne privés solidaires...) étaient auditionnées par la commission spéciale de l'Assemblée nationale.

En l'état, le texte gouvernemental prévoit que certains patients, atteints d'une pathologie incurable menaçant leurs jours "à court ou moyen terme" pourront demander une aide à mourir. Un médecin, infirmier ou une personne volontaire pourra administrer la substance létale si le malade n'est pas en mesure de le faire.

"Les conditions cumulatives d’accès à cette aide à mourir sont claires et nécessaires, posent des garde-fous indispensables qui doivent être sanctuarisés", a souligné Béatrice Noëllec, directrice des relations institutionnelles de la FHP.

Cependant, "il faut répondre dans ce débat aux inquiétudes de la communauté médicale", actuellement sous tension, en lui donnant des "garanties", a-t-elle ajouté.  

« Clause de conscience collective »

D'après le texte, si un malade se donne la mort, des soignants devront être présents pour intervenir en cas de difficulté. Cela "pose question", alors "qu'un certain nombre de soignants sont assez opposés à leur implication directe", a noté Bertrand Guidet, président du comité éthique de la FHF.

Si le malade "ne se sent pas capable de prendre la dose létale", ou "s'il vomit son traitement", quelle attitude adopter ? a-t-il interrogé.

Elisabeth Hubert, ex-ministre de la Santé publique et présidente de la fédération des établissements d'hospitalisation à domicile (Fnehad), s'est elle opposée à ce volet du projet de loi.

Beaucoup d'établissements, en zone sous-dense, fonctionnent avec de très faibles effectifs. "Que ferons-nous si (...) tous refusent d’être associés à l’aide active à mourir? Nous serons contraints d’appliquer la loi, mais comment ?", a-t-elle interrogé.

Olivier Guérin, conseiller médical de la Fehap (établissements d'aide à la personne privés solidaires), a proposé de "faire émerger" la possibilité d'une "clause de conscience collective" à l'échelle d'une équipe de soins. Il a souligné une autre "inquiétude": la notion floue de pronostic vital engagé "à moyen terme, extrêmement complexe" à définir.

https://www.whatsupdoc-lemag.fr/article/fin-de-vie-pourquoi-le-droit-de-provoquer-deliberement-la-mort-bouleverserait-lethique

Il a par ailleurs appelé à mettre en place un suivi psychologique pour tout "volontaire" amené à administrer un produit létal, et à exclure les Ehpad des lieux où sera pratiquée l'aide à mourir, au regard de "la vie communautaire" et des liens entre résidents.

Avec AFP

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