Article
De notre côté de la Manche, on ne fait pas grand cas de la polémique autour d’un lien éventuel entre le vaccin ROR. (Rougeole Oreillons Rubéole pour ceux qui ont acheté leur ECN) et le TSA (trouble du spectre autistique) aka (1) TED (trouble envahissant du développement) aka autisme. Et pourtant ! Chez nos amis British, proposer le vaccin provoque souvent des élucubrations, des Oh my God pour finir en Will my baby be autistic ? D’où vient cette légende urbaine ? Peut-il y avoir de la fumée without fire ? Autant de questions qui pourraient trouver une réponse… ou pas.
MÉTHODE
Muni de notre meilleur franglish et de la fine fleur de la presse British de bas étage, c’est parti pour une investigation scientifique à la Scotland Yard au pays de la Queen Elizabeth.
DESCRIPTION DU CAS
Mister le Docteur Wakefield, chirurgien de son état, publie en 1998 dans The Lancet (2) (ou comment émoustiller le lectorat chercheur non effrayé par les éminentes références culturelles de cet article) une série de 12 cas supputant un lien entre le vaccin ROR, une affection digestive (« entérocolite autistique » de son petit nom) et l’autisme. Stupeur ! Frayeur ! Et surtout véritable mine d’or pour la presse grand public type Daily Mail, qui titre tout de go « Le ROR, sûr ? Des idioties ! » (pour les amis anglicistes : « MMR, safe ? Baloney ! »). La polémique est lancée, et de nombreux témoignages exploitent alors la détresse des mamounettes d’enfants atteints de TSA, avec un impact désastreux sur l’opinion. Pourtant, suite à cela, plus de 800 études (3) infirmeront les résultats du Docteur Wakefield, sans jamais réellement éteindre la polémique. La communauté scientifique, elle, commence à se demander « WTF ? » (4). Coup de theater en 2010, quand le General Medical Council (Conseil de l’Ordre local) lève le voile sur les procédés « malhonnêtes et irresponsables » du fameux Doc ! Au menu : falsification de données, examens invasifs non justifiés et zéro cadre éthique. Outraged, le Lancet retire l’article (5). In the end, le BMJ publie l’investigation d’un journaliste (6) révélant en sus que ces travaux étaient corrompus et financés par un American lobby antivaccin !
CONCLUSION
Le taux de vaccination est en diminution depuis 1998, et la peur de l’autisme revient, 16 ans plus tard, encore très régulièrement dans les motifs de non-vaccination (7-8). En parallèle, les Grands-Bretons comptaient en 2012 le nombre le plus élevé de cas de rougeoles depuis 18 ans. Shocking, isn’t it.
SOURCES
1. a.k.a. ou aka., abréviation de also known as, formule introduisant un pseudonyme. Également titre du dernier album de Jennifer Lopez.
2. Wakefield A, Murch M, Anthony A et al. Ileal-lymphoid-nodular hyperplasia, non-specific colitis, and pervasive developmental disorder in children. The Lancet, 28 February 1998.
3. Hilton S, Hunt K, Langan M et al. Reporting of MMR evidence in professional publications : 1988-2007. Arch Dis Child. 2009 Nov.
4. Petit acronyme américain des usagers d’Internet marquant l’étonnement, la surprise ou la stupéfaction. Initiales de What the F****.
5. Eggertson L. Lancet retracts 12-year-old article linking autism to MMR vaccines.CMAJ. 2010 Mar 9.
6. Deer B. Secrets of the MMR scare. How the vaccine crisis was meant to make money. BMJ. 2011 Jan 11.
7. Brown K, Long S, Ramsay M et al. U.K. parents’ decision-making about measles-mumps-rubella (MMR) vaccine 10 years after the MMR-autism controversy : a qualitative analysis. Vaccine. 2012 Feb 27.
8. Wright J, Polack C. Understanding variation in measles-mumps-rubella immunization coverage-a population-based study. Eur J Public Health. 2006 Apr.