L’Ordre des médecins veut empêcher les « financiers » de spéculer sur la médecine

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Pour lutter contre la financiarisation de la santé, le CNOM veut interdire la participation d’un tiers non-professionnel dans les sociétés d’exercice libéral (SEL) de médecins, ce qui conduit selon lui à des « dérives » lucratives, a-t-il indiqué dans un communiqué paru aujourd’hui.

 

L’Ordre des médecins veut empêcher les « financiers » de spéculer sur la médecine

© Midjourney x WUD

"Le CNOM a décidé de demander au législateur la suppression de la possibilité pour un tiers non professionnel de pouvoir rentrer au capital d’une SEL de médecins", a-t-il écrit dans son communiqué, en référence à son audition par la Commission des affaires sociales du Sénat du 29 mars. 

Depuis 1990, certaines professions libérales ont la possibilité d’exercer leur activité sous forme de société de capitaux. Cela permet notamment aux associés d’exercer conjointement en mettant en commun leur clientèle, et offre plusieurs avantages, notamment fiscaux.

Un décret du 3 août 1994 a ouvert la possibilité aux médecins de se constituer en sociétés d'exercice libéral (SEL). La loi a ainsi fixé à 25% du capital social de la SEL, la part que peut posséder un tiers non-professionnel, la société étant par principe détenue et dirigée par les associés (médecins). 

Rachat de parts de laboratoires, de cabinets de radiologie, de centres dentaires : la montée des fonds d'investissements dans le système de santé inquiète les professionnels. Dans un rapport de juillet, l'Assurance maladie évoquait une "tendance de fond qu'il faut mieux comprendre et réguler".

« La lucrativité comme seule finalité »

Le CNOM estime, lui, que cette limite de 25%, n’empêche pas les "dérives actuelles". Il déplore que des "financiers" entrent au capital des SEL médicales, en prennent le contrôle et "orientent leur activité avec la lucrativité comme seule finalité", au détriment de la santé publique. 

Il demande ainsi au gouvernement de revenir sur cette loi en interdisant la participation des non-médicaux aux SEL de médecins, et en attribuant à cette mesure "un caractère rétroactif"

Estimant que les efforts qu'il déploie pour lutter contre ces dérives ne sont efficaces en l'absence d'un cadre législatif, il appelle le pouvoir à s'attaquer à ce "phénomène" d’ampleur, avant qu’il "ne devienne irréversible". 

La financiarisation a d'abord touché les Ehpad dans les années 2000. "On avait un manque de structures criant, et l'Etat, content de trouver des financeurs privés" a "sorti le tapis rouge", a raconté, lors d'un débat organisé par le Cnom, l'économiste Frédéric Bizard. Cela a ensuite "échappé à la main de l’Etat pour arriver à la maltraitance des personnes".

En radiologie, "ça peut altérer la prise en charge", a commenté Jean-Charles Bourras, médecin radiologue. Après certains rachats, "des actes ont été mis de côté car moins rentables", comme la mammographie, a-t-il observé.

Ces fonds interviennent notamment lorsque des médecins partent à la retraite, peinent à trouver un successeur ou à moderniser leurs cabinets. Pour "contrer" le phénomène, il faut "revaloriser la rémunération des médecins", a estimé Frédéric Bizard.

Yann Bourgueil, membre de la Chaire santé à Sciences Po, a lui plaidé pour un "renforcement de l’investissement public dans l’infrastructure, comme dans certains territoires qui créent des centres de santé" attractifs pour les professionnels.

Il serait aussi possible "d'imposer un cahier des charges" aux opérateurs, ou "transformer le modèle économique" qui régit la profession, a-t-il dit.

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Le CNOM propose également que toute personne physique ou morale n’exerçant pas directement ou indirectement au sein d’une SEL médicale, ne puisse pas détenir "plus de la moitié de son capital social"

Avec AFP

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