Internat nord-sud : NTM ou IAM ?

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De 1985 à 2003, les futurs internes passaient 2 concours à quelques jours d’intervalle : au nord, puis au sud. Désormais bien avancés dans leur carrière, ils partagent leurs souvenirs.

Internat nord-sud : NTM ou IAM ?

© DR.

« Après avoir bossé comme des tarés, nous repassions un nouveau concours pour accéder à notre spé et choisir notre lieu d'internat. Je l’ai très mal vécu, comme une véritable injustice », témoigne Estelle Wafo, gynécologue-obstétricienne à l’hôpital de Jossigny (GHEF, Grand Hôpital de l’Est francilien en Seine-et-Marne), qui a choisi sa spécialité lors de son avant-dernier stage avant le concours, alors qu’elle se destinait à la pédiatrie : « Certains de mes amis qui avaient "fait médecine" pour une spé précise n’y sont pas parvenus, je ne me plains pas. » 

Même détermination pour Gilles Fock-Yee, psychiatre aux hôpitaux publics de Saint-Maurice (94) : « À partir de la D2-D3, j’ai éprouvé un intérêt croissant pour la psychiatrie, en multipliant les stages. Il fallait passer le concours pour accéder à la psychiatrie ou à la neurologie, j’y étais donc décidé, même si j’avais dû aller dans de petites villes ! J’ai donc énormément bachoté pour y arriver, la dernière année a été très éprouvante. » 

« Je me disais que le concours ne m'apporterait rien »

Choix différent en 1993 pour Sophie Heber-Suffrin, médecin addictologue à Narbonne, qui n’a jamais voulu passer le concours : « J’ai fait médecine pour rejoindre Médecins Sans Frontières et n’avais pas besoin de passer le concours pour partir. Je n’étais pas dans la réalité de l’exercice de la médecine, d’une certaine façon… et je n’ai absolument pas aimé ces études où l’on ne nous apprenait pas à penser, et dans lesquelles on ne parlait pas de l’être humain dans sa globalité, encore moins de sa psychologie. Je me disais que le concours ne m’apporterait rien, je ne me projetais pas du tout dans une spécialité et ne me voyais surtout pas me coltiner 4 à 5 ans d’études en plus ! » 

« Toute une expédition »

Estelle et Gilles, en bons Parisiens, ont « dû » franchir non seulement le périph’, mais aussi la Loire pour passer la seconde partie du concours, après une première salve au nord : « Un concours que nous passions tous ensemble – soit environ 4 500 –, dans un immense hangar. À Marseille, j’étais à l’hôtel avec un copain, nous avions tellement travaillé que pour nous détendre, nous sommes allés au cinéma », se souvient Gilles. De ses deux concours, Estelle garde aussi de bons souvenirs : « J’ai eu la très grande chance de faire partie d’un groupe où nous nous soutenions énormément. Lorsque nous sommes partis à Montpellier, nous avions réservé des chambres et un train ensemble. J’étais un peu moins stressée parce que j’avais tout investi côté nord puisque je ne voulais pas bouger de Paris. Il faisait beau… On en a profité ensuite. » 

« Je ne regrette rien »

Les résultats arrivent, et voici nos deux Parisiens mieux classés au sud qu’au nord. Ils y font donc leur choix de CHU : Brest pour Estelle – car Brest était alors rangé au sud, peut-être pour pouvoir donner l’illusion d’un fort taux d’ensoleillement ? –, Lyon pour Gilles, qui avec 700 places de différence s’y positionne pour être bien classé en psychiatrie et pouvoir éventuellement effectuer un remords : « À l’époque la psychiatrie était prisée, le premier à la choisir était environ 650e sur 4 500, de même que la médecine interne…) »

https://www.calameo.com/whatsupdoc-lemag/read/005846154223bb7a7cc61?page=1

À Lyon, dans une petite promo de 9, il s’épanouira et fera par acquit de conscience « un semestre en neurologie avant de vite retourner en psychiatrie, une spé riche humainement, aux confins de la psychologie et de la philosophie, dans laquelle j’invite les internes à nous rejoindre ! » 

« Cela m'a fait du bien de quitter Paris... »

À Brest, Estelle a ouvert son « esprit parigot » : « J’ai découvert la vitalité de la culture bigoudène, cela m’a fait du bien de quitter Paris, je ne le regrette pas. J’y revenais très régulièrement – puisque je me suis engagée comme secrétaire puis présidente de l’Association des gynécologues obstétriciens en formation (AGOF) et que cela m’a permis de bien gérer mon internat et de ne pas tout mélanger. »

https://www.whatsupdoc-lemag.fr/page/classement-des-chu-articles


Quant à Sophie, elle réalise lors de son résidanat son rêve de missions à l’étranger : la Guyane, le Burkina-Faso… « Lors de mes précédents stages, j’avais souvent été indignée par la façon dont on traitait les malades dans les hôpitaux, mais aussi par le fait que nous n’avions aucun cadre, aucun objectif, aucune supervision. Au Burkina, on m’a tout de suite demandé de choisir 40 objectifs à atteindre… » Des regrets ? « Pas du tout, d’autant que j’ai finalement trouvé ma spécialité… qui n’en est [NDLR était] d’ailleurs pas une. » 

L’internat nord-sud en bref (1985-2003)
. Voie sélective via 2 concours pour devenir spécialiste
. L’autre filière, le résidanat, mène à la médecine générale 
. 2 jours d’examens avec une douzaine de dossiers
. Droit au remords : jusqu’au 4e semestre

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